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                  Rentrée littéraire 2024
                  
                                  
                
         
                  
                      
                    Littérature
              
      La quatrième de couverture
       
      Autant le reconnaître tout de suite, ces histoires ont été écrites entre mes  vingt  et  vingt-cinq  ans,  c’est-à-dire,  hélas,  il  y  a  bien  longtemps.  Certains  décalages avec notre époque s’expliquent mieux ainsi.  
Elles  intéresseront  des  psychanalystes  curieux  ou  des  lecteurs  que  les  intermittences de l’âme peuvent intriguer : qui sommes nous ? 
De quoi nos  parcours sont-ils faits ? Quelles sombres perspectives les animent, transformant parfois nos chemins en autant de torrents destructeurs ?  
Dans ces histoires où chacun s’évertue de son mieux, ces questions sont  posées. Dans tous les cas, même entouré de jolies femmes et d’une nature  exubérante qui pourrait agir comme un baume, rien n’est simple. Tout, même,  se complique.  
Âmes sensibles s’abstenir.
      
      
             
      
       
      La première page
      Maïmé est une petite bourgade du nord-est de l’île Oumaoumour.  
La  vue  la  plus  jolie  que  l’on  peut  en  avoir  se  trouve  environ  à  mi-côte  des  
montagnes qui lui font dos. Là, entre deux branches de feuilles d’orangers, on peut y  découvrir le doux balancement des cocotiers et des bougainvilliers que le hasard aura  plantés en bordure de mer et de l’autre côté de la route qui en est l’immédiat pendant.  
Toutes les maisons y sont rangées dans un savant et gentil désordre. Leurs toits de  tuiles  rouges  ou  de  feuilles  de  palmiers  recouvrent  sans  exception  des  corps  de  bâtiments en bois, le plus souvent badigeonnés d’une chaux qui ne résiste pas au  temps.  
C’est l’une de ces maisons que j’habitais avec ma femme.  
Depuis  notre  mariage,  les  choses  n’allaient  pas  très  bien  entre  nous.  Nos  
tempéraments et nos goûts s’opposaient. Des habitudes trop vite prises firent le reste.  J’en rendis responsable mon imagination qui avait trop tôt prêté à ma femme des  
qualités qu’elle n’avait pas ou qui n’étaient pas celles que j’eusse souhaitées.   
4
Je  me  résignai  quelque  temps  puis,  comme  aucune  amélioration  ne  semblait  décidément possible, je demandai le divorce ou la séparation qu’elle me refusa tous  deux  d’une  façon  si  catégorique  que  j’en  demeurai  prostré  et  désespéré  pendant  longtemps.  
J’attendis donc quelques années pour retrouver un peu de courage et lui dire un soir,  alors que nous nous couchions :  
– Imra, je voudrais vous parler.  
D’un geste automatique, Imra rechaussa ses lunettes et se prêta, avec son sérieux  
habituel, à l’audition de mon discours.  
– Imra, commençai-je lentement, dire qu’entre nous les choses pourraient aller plus  
mal serait une affirmation hors de propos et de toute façon peu constructive.  
Je pris le temps d’une brève respiration avant de poursuivre :  
– Par ailleurs, affirmer qu’elles vont tout à fait bien serait, vous en conviendrez, nous  
leurrer inutilement.  
Imra ne broncha pas.  
– Imra, continuai-je, nous sommes si différents l’un de l’autre qu’après plus de vingt  ans  de  vie  commune,  je  comprends  toujours  aussi  mal  quelles  satisfactions  vous  trouvez à l’existence. Elle me paraît faite chez vous de telles habitudes que rien ne  semble jamais la faire vivre. Lorsque le vent souffle, les pierres bougent plus que vous.  Le sable même est animé de frémissements lorsque les vagues le recouvrent. Leurs  vibrations sont un perpétuel embrasement auprès duquel votre vie semble étouffée par  les lumières de la mort.  
Naturellement, ajoutai-je très vite par crainte d’être interrompu, quoi qu’une telle  situation puisse avoir de douloureux pour un mari et un compagnon, je crois que  j’aurais pu me faire encore longtemps à cette situation si vous n’aviez été si possessive,  si  froidement  autoritaire  au  point  de  minuter  mon  propre  temps,  de  calibrer  mes  moindres mouvements, d’assujettir mes pensées les plus secrètes jusqu’à m’empêcher  de boire ou de fumer sans me l’avoir jamais demandé.  
Ces contraintes incessantes m’ont rendu plus insupportables chaque lever de soleil,  chaque éclat de rire, la moindre couleur dont j’ai fini par devenir jaloux parce qu’ils  participaient à des bonheurs dont j’étais exclu sans l’avoir mérité.
       
       
         
		
      
       
      
       
      
       
	
        
        
          
          
  
  
    
 
    
      Professeur d’histoire/géographie retraité. Docteur en histoire contemporaine. Sujet de thèse : "Molière, portrait de la France dans un miroir". Sujet de prédilection : le rapport des historiens avec les sources.