Thème :
Policier et suspense
La quatrième de couverture
À Fontainebleau, un retard de train fait se rencontrer Paulo, séducteur lunaire, et Eva, jeune veuve au passé trouble. Une nuit sur la route, une confidence incroyable, une halte dangereuse : le voyage soigneusement ordinaire se mue en piège. Entre confidences, mensonges et appâts matériels, Leo Carleroy compose un polar court et implacable où l’obsession du luxe, la vulnérabilité masculine et le goût de la vengeance entraînent les personnages vers un dénouement sanglant. Noir, cru, d’une prose cinématographique, « Une si belle paire de pompes » dissèque nos petites lâchetés et la fragilité des apparences.
La première page
De rares voyageurs grelottaient sur le quai de la gare de Fontainebleau. Ils attendaient le train pour Paris, annoncé avec dix minutes de retard. Une rousse d’une trentaine d’années, tailleur Chanel, sac Louis Vuitton, marchait de long en large en faisant claquer ses talons hauts sur le ciment. La nuit tombait. Elle avait de grands yeux sombres. La flamme de son briquet éclaira son visage lorsqu’elle alluma une cigarette. Elle feignait d’ignorer les regards appuyés des mâles qui la reluquaient pour tromper leur ennui. Un cadre en blazer bleu essayait tant bien que mal de lire son journal. Mais toutes les quinze secondes, ses yeux vrillaient l’anatomie atomique de la jeune femme.
Un haut-parleur enroué annonça le prochain passage d’un train rapide qui ne s’arrêterait pas, de quoi accroître la frustration des voyageurs. Le passage de l’express provoqua une sorte d’ouragan glacial. La voyageuse fit une moue agacée, jeta sa cigarette à peine consumée sur le quai et consulta sa montre d’un geste nerveux. Puis elle reprit ses allées et venues métronomiques avant de se décider à se réfugier dans le hall. L’homme en blazer bleu la suivit des yeux puis se replongea dans son journal.
À cet instant, un jeune homme sortit des toilettes. Grand, mince, presque maigre, il faisait penser à un étudiant attardé. Il portait une parka et un blue jean . Ses cheveux était coupés courts mais il arborait une moustache et un petit bouc. Apercevant la rouquine qui s’était assise pour feuilleter un magazine de mode, il se figea et la scruta sans vergogne, tel un fauve face à une proie à sa mesure.
« Une si belle paire de pompes » est un roman noir qui explore, sans complaisance mais avec une pointe d’ironie, la collision entre désir et mort, appât du luxe et petites lâchetés quotidiennes. J’écris pour montrer combien la violence peut surgir du banal — d’un retard de train, d’une conversation feutrée, d’une voiture qui s’immobilise. Le texte creuse le thème de la prédation : hommes qui se croient maîtres du monde et femmes qui portent en elles des secrets capables de tout renverser. Le ton oscille entre réalisme photographique et distanciation ironique : scènes précises, descriptions sensorielles, dialogues vifs, puis brusques ruptures où le roman bascule dans l’horreur. J’aime les anti-héros naïfs et pathétiques (Paulo), les héroïnes ambivalentes et dangereuses (Eva), et l’atmosphère de gare / route / bistrot comme un théâtre de destinées minuscules. L’ambition : un polar court, tendu, à l’écriture cinématographique, qui étonne par sa brutalité sourde tout en conservant un humour noir et une mélancolie de fond.
