Thème :
Rentrée littéraire 2025
Littérature
La quatrième de couverture
Ouvrez un journal, voyez le monde comme il s’agite. Tournez les pages et regardez les petits articles. Vous y trouvez de bonnes nouvelles, des anecdotes et des faits divers, qualifiés d’insolites ou d’incroyables. Là-dedans, écartons celles qui se terminent à la police ou devant la justice. Adoptons celles qui lèvent nos lèvres vers les oreilles, qui égaient la vie, qui lui apportent du piment. J’en retire le suc et je l’épice "à ma sauce", privilégiant l’humour et la tendresse.
La première page
Quand j’étais gamin, mon grand-père avait toujours de ces formules, des expressions que lui seul utilisait, ou presque. Un peu comme le capitaine Haddock, avec la bouteille, mais le rafiot en moins. Il répétait tout le temps que l’argent ne poussait pas sur les arbres. Ah, pour ça, il avait raison ; depuis le temps, ça se saurait.
Il disait aussi qu’un arbre peut cacher la forêt. Je pigeais que dalle à l’époque, mais main-tenant, j’ai plus qu’à regretter de pas l’avoir interrogé plus tôt, il m’aurait peut-être expliqué.
À la fin de l’école. Enfin, j’avais pas fini l’école, mais elle voulait plus de moi ! À mes seize ans sonnés, je me suis inscrit à la Mission locale, « pour trouver ma voie » qu’ils di-saient. Tu parles. je galérais à trouver du boulot. Enfin, je trouvais pas, je cherchais seulement, ou plutôt je faisais semblant de chercher. En vrai, je traînais dans la rue. Jusqu’au jour où j’ai croisé des gars qui m’ont dit :
— Si tu veux, tu peux gagner du pognon, beaucoup de pognon, à pas faire grand-chose.
Tu parles si ça m’a branché. Enfin, branché est peut-être pas le bon mot, vu les circons-tances !
Le truc était facile et il rapportait de quoi mettre du beurre dans les épinards. Ils m’ont ex-pliqué le business :
— Pas besoin de registre de commerce ou tout le bazar. Tu as juste à refourguer au détail ce qu’on te fournit en gros.
Je vous fais pas de dessin : j’étais devenu un petit épicier, spécialisé en herbes. Si vous voyez ce que je veux dire.
Jusqu’au jour où un de mes bons copains m’a dit comme ça :
— Si tu veux vraiment te faire des couilles en or, il faut cultiver toi-même.
Il appelait ça le circuit court. Direct du producteur au consommateur. Le truc est à la mode, ils en parlent même à la télé.
— Le système pour y arriver est encore plus simple, qu’il m’a dit. Tu choisis bien ton ter-rain, tu plantes les pieds, tu surveilles la pousse, tu cueilles et tu revends ta récolte.
Le copain insistait qu’il fallait surtout cultiver à l’abri des regards indiscrets. Là, je me suis souvenu du grand-père, avec ses arbres et sa forêt. Alors, j’ai fait la jonction entre les deux et je me suis dit que le meilleur moyen de me planquer, c’était au milieu des bois, loin des ba-raques et des bonnes gens. Les renards et les sangliers allaient pas cafarder.
Ancien formateur en écriture professionnelle, je profite de la retraite pour être grand-père, écrivain à mes heures et animateur d’atelier d’écriture à l’heure des participants.
Normand de naissance, je m’inspire des légendes et des contes régionaux ; vivant à cheval sur deux siècles, ma plume...