Ce qui ne tue pas ne tue pas
❤️ Coup de cœur des lecteurs
Nombre de pages en A4 : 103
Version publiée le 13 août 2021
- (Première publication sur Edition999 le 7 février 2013)
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Thème :
Littérature
La quatrième de couverture
Mon projet est un roman en trois livres. Je parle d’un voyage contemporain dans la très grande précarité, celle des gens qui vivent dans la rue.
Le protagoniste est un écrivain qui cherche à se ressourcer en créant un atelier d’écriture. Ses pas le mènent dans un café fréquenté par des SDF qu’il va rencontrer par le biais des mots échangés au Bic. Ce premier livre est donc une phase d’initiation. Elle se termine par l’explosion du foyer de l’auteur. Rejeté par les siens, suite à une ancienne « faute », il s’engage à son tour dans un parcours de désocialisation. Ce livre-ci est écrit à la première personne. Le deuxième livre le décrit sur ce chemin de « à l’envers de la société » ; il est plus documentaire, plus distancié et je l’écris à la troisième personne. L’auteur s’enfonce, plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement ; tente d’effacer sa faute par la douleur, la solitude, le châtiment. Le troisième livre est celui de la rédemption. « Ce qui ne tue pas rend fort » disait Nietzsche. L’auteur recrée des liens avec la société, avec les siens, avec les autres. Nous l’accompagnons dans sa reconstruction, bien plus humaine, bien plus solidaire, bien plus sensible que dans sa première ébauche. J’emploie le « tu ». Il renoue peu à peu avec lui même. Le lecteur en est témoin. Pour présenter mon histoire ci-dessus, j’utilise sciemment des représentations spirituelles et ceci alors que l’expérience décrite est complètement agnostique. Parce que nos sociétés occidentales sont profondément empreintes de ces valeurs, le parcours des centaines de personnes très précarisées que j’ai croisées en dix ans est immanquablement marqué par cette trilogie : faute, châtiment, quête de rédemption. C’est comme ça. C’est pour ça que je l’écris ainsi.
La première page
Septembre 2010. Je me réveillai en émoi d’un songe absurde, les yeux clignant dans la lumière balbutiante de l’aube. Je fis glisser ma main en direction du corps tiède de Blanche, présence douce, rassurante. Quelques secondes plus tôt, je poussai encore, et de toutes mes forces, une perceuse à percutions Metabo SBE 1100 Plus dans un mur, tant et si bien qu’il s’écroula d’un bloc, s’effaça tel une feuille, et une jeune fille apparut, aux longs cheveux et au regard absurde.
Absurde, non le regard de la jeune fille, mais la marque de la perceuse : ma caisse à outils usuelle se résume à une paire de tournevis, une pince, un sachet de vis en souffrance et un marteau éparpillés aux quatre coins de la maison. Où donc étais-je allé pêcher cette Metabo SBE 1100 Plus ? Je me promis d’en vérifier son existence sur le web. Si elle existait, alors là…
Il y a des voyages dont on n’a pas rêvé, des expéditions involontaires, des aventures non destinées mais qui vous tombent sur le bout du nez et finalement vous façonnent aussi sûrement qu’un trek en Enchorage où vous voici à 6 194 mètres, accroché au piton vissé dans la paroi du Mont Mc Kinley. Tandis que tous vos camarades de cordées admirent le paysage, le regard gelé en même tant que brûlant d’intensité, vous essayez soudain de vous rappeler : comment tout cela a-t-il bien pu commencer ? Tant que vous n’aurez pas retrouvé l’origine de cette affaire-là, vous ne vous accorderez pas une seconde de cette jubilation contemplative propre aux alpinistes. Ainsi soit l’homme.
Et bien, en vérité, l’origine de mon affaire à moi, dans cette confusion des sens propre à la naissance du jour, se situe quelque part entre une Metabo SBE 1100 Plus et une soudaine envie d’animer un atelier d’écriture publique.
J’eus cette extravagante ambition ce dimanche matin à six heures trente, suite à ce rêve idiot. Je me souviens donc avoir glissé ma main en direction du corps tiède de Blanche et avoir soupesé mes chances, puis, comme souvent lorsqu’elles sont proches du niveau zéro, m’être réfugié dans mes rêveries ; une oreille tendue vers la maison endormie
J’ai 54 ans. J’ai été auteur, metteur en scène et comédien de théâtre avant de devenir éducateur, puis finalement chef d’un service d’accueil en urgence de SDF pendant huit ans. J’enseigne aujourd’hui les sciences sociales. J’avais depuis longtemps envie d’écrire sur les conditions de vie des...