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Histoire courte

Vieillir debout mourir en paix

William Alma (Auteur)

Version publiée le 2 juillet 2025


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Thème :
Histoire courte

Je regarde parfois les jeunes ici, Thaïlandais ou farangs.

Ils courent, ils draguent, ils cherchent encore à prouver quelque chose. Moi, j’ai rangé la pancarte.

J’ai plus rien à vendre. Et je n’achète plus les illusions bon marché. L’amour éternel, les grandes

promesses, les "on fera tout ensemble"... foutaises. La vérité, c’est que la plupart des gens ne

savent même pas qui ils sont, alors t’imagines ce que ça donne à deux ?

Je ne suis pas amer. Juste lucide.

Et cette lucidité, c’est pas une punition. C’est une forme de sagesse qui pique un peu. Elle te réveille

la nuit, elle te regarde dans le miroir, elle te murmure :

"Tu ne rajeuniras pas. Tu ne changeras plus. Mais tu peux encore choisir la manière de finir ce

foutu film."

Moi, j’ai choisi la douceur, même bancale.

Un peu de calme. Une compagne sans drame. Des bières pas trop fortes. Un vélo pour me rappeler

que je suis encore vivant, même si je souffle un peu plus fort dans les montées. Une ladyboy de

temps en temps, parce que la tendresse ne porte pas toujours les habits qu’on attend.

Et surtout : la paix.

Pas la grande paix mystique. Non.

La paix de celui qui ne doit plus convaincre.

La paix du mec qui peut se lever le matin sans rendre de comptes à personne, hormis peut-être au

miroir et encore, en plissant les yeux.

La Thaïlande me garde en vie, à sa manière. Pas parfaite. Pas propre. Mais réelle.

Elle ne m’attendait pas, elle ne me juge pas, elle ne me demande rien d’autre que de rester discret

et de payer à temps.  

C’est peut-être ça le contrat de fin de parcours : être un peu là, un peu soi, sans foutre le bordel.

Je ne suis pas un modèle.

Je suis un survivant.

Je suis ce type qui a trop souvent donné sans retour, qui s’est cassé la gueule sans que personne

tende la main, et qui, à force de se relever seul, a fini par comprendre que l’équilibre n’était pas

dans les autres, mais dans la manière dont on tombe.

Ma vie, ce n’est pas une réussite Pinterest.

C’est un chantier bancal, avec des planches mal clouées, des pièces sans lumière et des fenêtres

ouvertes sur du vide. Mais c’est ma baraque. Et j’en ai fait un abri.

Contre les regrets, contre les jugements, contre la solitude qui ronge au lieu de soigner.

Je ne veux plus de grandes conversations.

Je veux des silences complices.

Je veux une main sur la mienne sans question. Je veux un sourire sans conditions. Je veux qu’on

me laisse le droit d’être fatigué, de ne plus porter les autres, de ne plus expliquer pourquoi je suis

comme je suis. Je suis. Ça suffit.

Je vois bien que certains ici me regardent de travers.

Le farang qui ne rentre plus. Le type seul avec ses petites habitudes, son visage tanné, ses silences

prolongés. Ils se demandent ce que je fous là. Ils se disent que j’ai fui quelque chose. Peut-être.

Mais j’ai surtout trouvé autre chose.

Un ailleurs qui ne demande rien. Qui t’accepte sans CV, sans belle histoire, sans statut.  

Et à ceux qui penseraient que je me suis perdu ici...

Je leur répondrais :

Non, je ne me suis pas perdu.

Je me suis retrouvé dans ce bordel tropical, entre deux orages, une soupe trop épicée, et un sourire

qui ne dure que l’instant mais qui suffit.

Je ne cherche plus à plaire.

Je ne cherche même plus à séduire.

Mais j’aime encore sentir un regard, une attention, une chaleur qui me dit : "T’es pas tout à fait

invisible." Pas besoin de grandes scènes ni de passion en cinémascope. Juste des moments vrais.

Même courts. Même payés. Oui, même ça. Parce que parfois, la tendresse a un prix. Et je ne le

juge plus.

Ma liberté m’a coûté cher.

Je l’ai payée en deuils, en abandons, en nuits blanches où tu révises tous tes choix comme un

comptable désespéré qui refait ses comptes à la bougie. Et au bout, tu trouves pas un sens. Tu

trouves une forme d’acceptation. Et ça, c’est presque plus fort que le bonheur.

J’ai aimé. Mal. Fort. Trop.

J’ai détesté. Parfois ceux que j’aimais. Parfois moi.

Mais je me suis pardonné. Pas tout. Mais l’essentiel : de m’être souvent trompé en croyant bien

faire. Et d’avoir continué malgré tout.

Je suis encore là.

C’est pas rien, à mon âge, avec ce que j’ai encaissé.  

Je suis encore là, debout, ou du moins pas couché.

Et dans ce monde où on jette les vieux comme des emballages usés, moi, je reste. Je dis "bonjour",

je souris aux chiens, je lève mon verre aux couchers de soleil. Je suis peut-être un survivant, oui.

Mais je suis aussi un résistant discret.

Je ne veux plus entendre parler de réussite.

Je veux de la sincérité. Même brutale. Même maladroite. Je veux des échanges qui sonnent vrai,

pas des likes, pas des filtres, pas des faux-semblants. C’est pour ça que j’écris. Pour pas mentir.

Pour pas me trahir. Pour pas oublier que j’existe.

Je sais que je ne redeviendrai jamais le jeune homme plein d’espoirs et d’illusions.

Mais tu sais quoi ? Je m’en fous.

Parce qu’il y a une beauté étrange à vieillir avec ses cicatrices.

Chaque ride, chaque souffle un peu court, chaque battement de cur fragile, c’est une médaille. Une

histoire qu’on n’a pas volée.

J’ai appris que la vraie force, c’est pas d’être invincible.

C’est d’être assez honnête pour accepter ses faiblesses.

C’est d’être assez courageux pour dire :

"Je suis fatigué, j’ai peur, mais je continue."

Et c’est dans ce combat-là, le plus intime, que réside la dignité.

Alors voilà, je prends mes jours comme ils viennent, sans illusion, sans regret.

Je regarde le monde à travers des yeux qui ont pleuré, ri, crié, aimé.

Je savoure les petites choses, les instants volés au chaos.  

Une bière fraîche au bord d’une plage, un sourire échangé, une main posée sans un mot.

Je suis un vieux monsieur, avec un cul cabossé et une prostate rebelle.

Mais je suis vivant.

Et ça, personne ne pourra jamais me l’enlever.

Biographie de William Alma

Mes aventures depuis que je suis en Thaïlande

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