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Recueil de nouvelles - Homo Homini Lupus
(Auteur)
Nombre de pages en A4 : 210
Version publiée le 15 janvier 2023
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Thème : Policier et suspense
🖋️ La quatrième de couverture
Un recueil de nouvelles qui allie suspense, humour et dérision. Les sujets s’étalent dans le temps, de la préhistoire à nos jours. Chacun pourra s’y retrouver.
🗏 La première page
L’enfant pleurait doucement . Personne ne le remarquait tassé derrière une bâche sous la halle du marché de Saugues. De temps à autre, il relevait la tête d’entre ses genoux et regardait avec horreur de l’autre côté de la place. Son visage mouillé de larmes était maculé de traînées noirâtres provoquées par cette suie grasse déposée par un souffle inconstant.
Peu à peu la place du marché retrouvait son atmosphère paisible après l’horrible déchaînement. Tous ces gens étaient venus, parfois de fort loin, comme les bouviers, les bergers ou les pèlerins en route du Puy en Velay vers Compostelle et qui s’étaient arrêtés un moment. Ou bien ils étaient venus en voisins comme les artisans, les commerçants et notables de cet important marché rural qu’était la ville de Saugues.
Ils étaient tous arrivés de bonne heure mais ne s’étaient pas réunis en petits groupes de conversations à propos du temps, des bêtes, des récoltes. Pas d’interpellations joyeuses ni de bourrades amicales, les tavernes étaient fermées, pas de démarches incertaines, pas de chants éraillés par des gosiers secs, pas de rixes non plus. Ils étaient là épaules contre épaules fascinés par le spectacle et le supportant parce que justement ils étaient tous là. Rien n’aurait pu les empêcher d’assister à cela, ils en avaient besoin pour rendre leur vie si rude et précaire à peu prés supportable.
Et les voilà qui repartaient par petits groupes taciturnes et moroses, les dos arrondis comme s’ils voulaient se faire oublier par la mort qu’ils avaient vu à l’œuvre. Les visages étaient mécontents mais aucun n’exprimait la révolte, les sabots raclaient le pavé sous le poids de la résignation. Certains juraient sourdement contre cette fumée âcre que le vent rabattait en les faisant tousser et cracher avec dégoût. Les femmes se couvraient le nez d’un coin de châle pour se protéger de l’odeur insupportable. Tous se hâtaient de quitter les lieux sans voir à leurs pieds l’enfant qui pleurait.
Une fois de plus, un sursaut d’épouvante le redressa. Il savait quel choc nauséeux allait secouer son pauvre corps. Il ne pouvait même pas croire que ce cauchemar allait l’éveiller et faire accourir sa petite mère comme il y a longtemps, lorsqu’il était petit enfant. Que c’était bon alors de reprendre vie dans l’enveloppe de ses bras. Mais là, rien ne lui permettait de quitter la réalité effroyable. Même lorsqu’il s’était effondré sous cette bâche, le visage enfoui, l’horreur l’avait envahi par ses autres sens : Il avait suffoqué sous cette fumée poisseuse, il avait senti sur ses lèvres desséchées l’amertume douceâtre et écœurante qui imprégnait la petite place.
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